AMUR
soigne son image.
Le
soleil enfin revenu après des semaines de grisaille presque ininterrompue
n’aura pas réussi à attirer tous les amuriens à Saint Symphorien.
Quelques
grippes bien de saison, des départs en vacances, des repas dominicaux, des
visites imprévues ont réduit le groupe mais nous sommes encore dix-huit à
prendre la direction du bourg. Nous quitterons vite le goudron pour nous élever
au-dessus de la vallée du Mesvrin.
Sous
nos pieds, la boue mais à la hauteur des yeux un panorama à couper le souffle à
moins que ce ne soit la pente raide.
Nous déplorons que la croix de la Messe
soit envahie par la végétation et, recouverte par endroits de mousse, elle se
fond dans le paysage ; bientôt plus personne ne la remarquera.
Nous
en aurons définitivement fini avec la montée : ce sera du plat ou de la
descente. Deux maisons isolées ont totalement changé d’aspect, l’une, une
ancienne fermette a été restaurée avec goût. Les murs sont en pierre apparente
et de larges baies laissent pénétrer la lumière. L’autre, une propriété dont
nous admirions le parc semble abandonnée.
Roger
est inquiet. Nous allons bientôt aborder une descente abrupte et une couche de
neige verglacée risquerait de nous causer des difficultés.
Heureusement le sol
est dégagé et personne ne glissera.
Des
hurlements, des mugissements, des rugissements nous intriguent depuis quelque
temps, des silhouettes orange se déplacent, nous reconnaissons quelques
aboiements. Face à nous se déroule une battue aux sangliers. Nous allons devoir
adopter l’attitude de circonstance.
Soyons
tartufes . Voici justement un spécimen à la parure rutilante Si son ramage se
rapporte à son plumage… Mais non, il n’est que douceur. Nous donnons dans
l’onctuosité. Jamais chasseurs et randonneurs ne se seront tant chéris. J’aime
le son du cor au fond des bois quand il annonce la fin de la battue, parce qu’au
cours des 100 mètres parcourus avec notre nouvel ami nous avons eu le temps d’apprendre
le langage.
Revenons
à la nature vierge de toute vie.
Des châtaigniers centenaires qui surplombent un vallon miniature bordent une allée.
Nous traversons la ferme en ruine du Bois
des Vignes
et nous plongeons sur le stade de Marmagne. Roger et Daniel
redécouvrent avec attendrissement le ruisseau qui servait de douche lorsqu’ils tapaient
dans la ballon rond il y a maintenant cinquante ans.
Hâtons-nous
parce que nous avons un rendez-vous important. Nous visitons la ferme de
Laurent.
Notre groupe se renforce de trois nouveaux membres. Nous ne sommes pas
tout à fait en terre inconnue mais nous avons pour la plupart une connaissance
superficielle de la vie des éleveurs du 21ème siècle. Laurent et son
épouse nous introduisent dans l’étable où 117 charolaises alignées
engloutissent un mélange de paille et d’ensilage d’herbe.
Les veaux jouissent
d’une certaine liberté et possèdent des mini-parcs où ils peuvent se réfugier. Une
caméra veille sous la charpente, évitant des sorties inutiles dans la nuit
froide. En une heure nous échangerons sur le quotidien d’un agriculteur, les
horaires aléatoires, les sélections, les vêlages, la gestion du cheptel, les
accidents ou les maladies, le suivi génétique, la traçabilité, le caractère des
bovins, les contrôles et les normes européennes. L’avenir de la profession est
également évoqué. Les enfants voudront-ils ou pourront-ils prendre la
succession ? On parle plus en centaines de tonnes qu’en kilos que ce soit
pour le nettoyage de l’étable ou pour les quantités d’ensilage à entreposer
pour une utilisation sur trois mois.
Il
faut penser à arrêter nos questions car la journée de notre exploitant n’est
pas terminée, loin de là. Le couple se joint à nous pour nos agapes habituelles
de fin de rando.
Parfois mille petits pas permettent de faire un grand
pas pour la reconnaissance de la diversité des utilisateurs de notre environnement et pour une compréhension mutuelle.